Je n'arrive pas à dire merci..

Publié le par Nath

Un ami nous rend service, notre conjoint nous offre un cadeau inattendu, une collègue nous complimente.. Et nous restons coi, incapable de réagir. Derrière cet embarras, se cachent de réelles difficultés à exprimer notre gratitude. Pas évident, de partager ses émotions. Pas confortable de se sentir déstabilisé ou redevable. Pas facile de s’avouer pleinement comblé. Sortir d’un mot convenu et dire merci avec le cœur s’apprend.


Je n’y arrive pas parce que… je ne trouve pas les mots

« Exprimer ce que l’on ressent impliquerait au préalable de discerner ce que l’on ressent, remarque le psychothérapeute Thomas d’Ansembourg (1), formateur en CNV (2). Mais nous n’avons pas appris au cours de notre existence à être en contact avec l’émotion profondément, physiquement ressentie. L’éducation à la pudeur comme la peur de se montrer vulnérable y sont pour beaucoup. » Les choses s’aggravent quand nous ressentons du dépit ou de la déception, sentiments que nous enfouissons immédiatement sous des tonnes de prescriptions morales. « Etouffer l’émotion revient à automatiser l’échange, à l’assécher et le banaliser. On le vide de sa substance. Il y a, cachées derrière un cadeau ou un service, de la reconnaissance et de la valorisation qu’il est bon d’accueillir. Nous savons pourtant le faire lorsqu’il s’agit d’un enfant ! » Effectivement, nous sommes nombreux à sauter de joie au premier dessin maladroit offert avec tendresse. Pourquoi, ne pas se congratuler entre adultes consentants ?


Je n’y arrive pas parce que… j’ai honte

Nous nous sommes estimés et évalués en fonction de l’autre », et nous nous sommes accordés une valeur précise : je mérite ceci mais ne suis pas digne de cela. « Souvent, recevoir bouleverse l’image que l’on a de soi. Tant que le geste de l’autre s’inscrit dans un cadre social et conventionnel, comme à Noël ou lors d’un anniversaire, son caractère légitime ne perturbe pas cette représentation de soi-même. Mais lorsque l’on reçoit plus que ce que l’on attendait, ou lors de circonstances inattendues, ce don de l’autre vient troubler ce que l’on croyait être. » Changer cette vision de nous-mêmes reviendrait à remettre en cause nombre de nos certitudes. Pourtant, accueillir l’estime de l’autre permet de conforter la nôtre.

Une piste de changement : « Il est inutile et même néfaste de chercher à se débarrasser de ce que l’on ressent, quand bien même il s’agirait de honte » . Au contraire, il faudrait en profiter pour exprimer son ressenti, quitte à formuler son embarras : «Je ne m’y attendais pas», «Je ne pensais pas mériter tant d’attentions». « C’est en partageant avec l’autre ce qui se passe réellement en soi que l’on donnera de la valeur à l’échange. »

(1)Auteur de « Gestalt-thérapie : la construction du soi », L’Harmattan (2000)


Je n’y arrive pas parce que… Je me sens redevable



« L’étymologie du mot merci nous en dit long sur ce sentiment inconfortable de contracter une dette. Merces en latin veut dire… salaire ! » On comprend mieux pourquoi recevoir nous déséquilibre à ce point. « Dès lors, nous cherchons instinctivement à rééquilibrer ce qui n’est plus stable. Pour nous débarrasser du fardeau que représente le don, nous estimons devoir à l’autre un contre-don. » Nous croyons qu’un merci ne suffit pas pour payer ce fameux salaire, « comme si nous confondions le remerciement avec la soumission, le don avec la domination. » Au cœur de cette difficulté, une « dynamique de pouvoir » à laquelle beaucoup d’entre nous font appel pour valoriser leur identité et préserver leur territoire. Pourtant, dire merci du fond du cœur rééquilibre instantanément la position de chacun.

Une piste de changement : « Ceux qui ne savent pas dire merci ont la même difficulté à être remercié. Pour que le partage devienne serein, commençons par accueillir la gratitude dont l’autre fait souvent preuve à notre égard. Plutôt que de s’excuser par des : «De rien !» ou «C’est naturel !» aux remerciements qu’on nous fait, pourquoi ne pas remercier à son tour ou dire pourquoi cela nous a fait plaisir ? » Cela permettra de réaliser que la réciprocité est source d’équilibre dans la relation.

(1)Auteur de Arriver à le dire… même quand c’est difficile InterEditions (2004)


Je n’y arrive pas parce que… Je ne suis jamais comblé

« Nous ne pouvons faire preuve de gratitude que lorsque nous avons été nourris dans l’enfance de façon satisfaisante, estime la psychanalyste Nelly Jolivet (1). Que la défaillance de nos parents ait été réelle ou fantasmée, si nous avons l’impression de ne pas avoir reçu notre dû, alors un manque subsiste en nous que l’autre, malgré ce qu’il nous donne, ne peut pas combler. » .

La prise de conscience est un premier pas décisif dans l’apprentissage de la gratitude sincère et consciente.

1En savoir plus : www.nellyjolivet.com

Publié dans psycho-logique

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P
Tant de vérités dans ce texte que j'ai bien apprécié lire. C'est vrai que l'on a souvent de la difficulté à accepter un compliment, un cadeau... sans avoir le besoin de redonner tout de suite en retour. Le prendre tout simplement et apprécier... bien des choses sont à l'origine de nos comportements, nos peurs et nos barrières mais en être conscient et y travailler c'est déjà un grand pas :) merci pour ce partage.
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